jeudi 29 juillet 2021

Crise sanitaire : qui décide de quoi

Face aux décisions et mesures exceptionnelles, parfois contradictoires, semblant peu adaptées et liberticides prises par le gouvernement durant l'épidémie de Covid 19, il est légitime de se demander de quels processus elles découlent. Nous revoici donc, lecteur, forçats de notre passion pour la news, la vraie, celle qui fleure bon la grenade de désencerclement qui meuble un samedi après-midi pluvieux.

OK Delanews, votre chapo frise le ridicule, là. Le processus c'est pas Emmanuel Macron tout seul dans son bureau ?

Pour le ridicule, nous te le concédons, lecteur. Pour le processus, c'est un peu plus compliqué. Pour prendre des décisions, le Président de la république s'entoure d'un Conseil de défense sanitaire. Il est composé essentiellement de ministres, dont ceux de la Défense, de l'Economie, de la Santé. Sa composition est publique, le détail est ici

 " bas les masques" © Présidence de la République

Bah jusque là, rien de neuf sous le soleil. C'est un genre de Conseil des ministres.

Certes lecteur, sauf que... contrairement à un Conseil des ministres, ses débats ont lieu à huis clos et sont classés secret défense. Donc ne mise pas trop sur ton compte-rendu BFMTV quand tu iras te taper un grec à midi – avec pass sanitaire, évidemment.

Pas très démocratique. Et qu'est ce qui nous garanti qu'ils ne disent pas n'importe quoi, alors ?

Justement, le Conseil de défense sanitaire s'appuie sur les recommandations d'un Conseil scientifique, dont les avis, eux, sont publics. Tu les trouveras ici et au passage, on remarquera qu'ils sont rédigés à l'emporte pièce et surtout ne citent pas leurs sources, ou de manière tellement floue qu'elles sont invérifiables. On y trouve pêle-mêle des termes tels que « des études montrent », « selon les scientifiques » ou encore « les dernières données épidémiologiques », sans que ne soient précisées ces études.

 
© DR - Une partie du Conseil scientifique à l'Elysée

Pas comme vous, Delanews. En tout cas pas très scientifique ces communiqués. Espérons que leurs auteurs sont plus crédibles.

Sans doute, lecteur, mais l'honnêteté journalistique qui nous tient lieu de bible à Delanews nous pousse à ajouter un bémol. D'abord, dans ce conseil dit scientifique, six membres sur les 16 qu'il comporte n'ont que des relations lointaines avec la virologie et l'épidémiologie, puisqu'ils sont sociologue, antropologue, pédopsychiatre, médecin de ville, « milieu associatif », « spécialiste des nouvelles technologies ». Et curieusement, y figure également un vétérinaire. Ensuite, chez les scientifiques – mais rappelons au passage que la médecine n'a jamais été une science exacte et c'est souvent un problème – la plupart d'entre eux ont des intérêts liés à ceux de l'industrie pharmaceutique. Certes, nos confrères des médias publics ont publié certains éléments pour lesminimiser. Les rémunérations issues des labos vers ces professionnels de santé seraient insuffisantes pour justifier d'éventuels conflits d'intérêt. Mais ils ont omis les liens indirects qui lient l'industrie aux structures qui les emploient, et qui constituent de véritables perfusions financières pour certaines. 


 

Mais vous, Delanews, vous avez creusé ?

Très peu, lecteur, car tout est public. Suffit de savoir lire. Et voici un condensé :

  • Arnaud Fontanet : Epidmiologiste de Institut Pasteur. Rappelons qu'en 2004 , Pfizer à cédé pour 1 euro symbolique des labos estimés à 12 millions à l'Institut, qui a pu prendre un nouveau départ. 
  • Bruno Lina : Virologie employé par les Hospices civils de Lyon, structure qui a bénéficié en mai 2021 de 150M€ de remise de dette par Olivier Véran. De plus, les HCL sont financés partiellement via une fondation dont le grand mécène 2017 est Hospira Pfizer. Le document est ici.
  • Catherine Chirouze : cheffe du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital de Besançon. Rémunérée par Gilead en 2014 pour une étude sur la posologie d'antiviraux contre le VIH.
  • Denis Malvy : infectiologue au CHU de Bordeaux, structure qui bénéficie des honneurs de la presse en 2018, figurant dans le « trio de tête des hôpitaux français dont les personnels sont les plus liés à l'industrie de la santé », avec 9,1 millions d'euros issus des labos. En 2021, le CHU a lancé un plan de modernisation de 1,2 milliards d'euros, dont seuls 240 millions seront abondés par l'Etat. Un info qui devrait réjouir les lobbyistes.
  • Yazdan Yazdanpanah : Médiatique dirigeant de l'ANRS, l'Agence nationale de recherche sur le Sida et les maladies infectieuses. Parmi les fondateurs de la structure, la fondation Bill & Melinda Gates, qui est également un important investisseur de Moderna. Mais ce n'est pas tout, on retrouve l'Institut Pasteur, qui tire une partie de son financement d'une donation de Pfizer et enfin le NIAID américain dirigé par Antony Fauci, dont la presse US et l'excellente BBC affirment qu'un financement indirect est allé aux recherches menées par l'Institut de virologie de Wuhan. Document ici.

Ah ben effectivement. On aurait pu trouver d'autres personnalités moins exposées au ruissellement de l'industrie, non ?

Pas sûr, lecteur, tant la pratique est généralisée. Chez Delanews, nous aimons les chiffres à peu près autant que le fait des lier les causes et les conséquences. En voici quelques uns : En 2018, les CHU ont reçu 170 millions d'euros de laboratoires pharmaceutiques (source base de données Transparence santé). Cette même année, les les industriels pharmaceutiques ont ainsi versé quelque 1,36 milliard d'euros d’avantages aux professionnels de santé, selon une enquête de Data + Local. Une paille dans l'océan des bénéfices de Pfizer qui vient de revoir à la hausse ses commandes de vaccin anti covid à plus de 33 milliards d'euros. Rien d'étonnant donc, aux révélations de Marianne selon lesquelles l'ensemble des membres composant le Conseil scientifique auraient directement bénéficié au total de 450000 euros sur cinq ans issus des labos. 

 Or notre amour des chiffres, des causes et des conséquences nous pousse à les rapprocher d'une autre estimation. Celle des 11 millions d'euros versés par le gouvernement français à des cabinets de conseil en majorité américains tels Mc Kinsey et Accenture pour l'assister en matière de stratégie vaccinale. Des structures aux tarifs stratosphériques dont l'intervention journalière peut s'élever à plus de 50000 euros pour prendre en charge des activités normalement dévolues au service de l'Etat. Des officines dont on peut douter de l'impartialité des conseils puisque Pfizer et Moderna, les deux labos auprès desquels la France s'approvisionne désormais sont eux aussi américains. Justification : les services publics seraient en surchauffe, proches du burn out et auraient besoin de l'expertise du privé.

La crise, certes, mais pas pour tout le monde visiblement. Un pactole en tout cas que se seraient bien partagés les soignants en plus de leur prime dérisoire de quelques centaines d'euros à l'issu du Ségur de la santé.L'hôpital public va mal, mais pas les cabinets de conseil et marketing, visiblement.

Finalement Delanews, c'est vraiment démoralisant votre papier. On aurait mieux aimé ne rien savoir. Nous, tout ce qu'on veut c'est partir en vacances, boire des bières en terrasse et béqueter au restaurant après avoir fait les soldes. C'est quand même ça, la liberté, mince.

Si tu le dis, lecteur. Mais faudra pas venir pleurer.